mardi 15 décembre 2015

Le roi et l'oiseau / Mordillo

 

Le roi et l'oiseau

 

"Le roi et l'oiseau" est sans conteste parmi les plus grands chefs-d'oeuvre d'animation jamais produits, non seulement au sein de la programmation de Ciné-Cadeau, mais dans toute l'histoire du dessin animé. Il y a des tonnes de choses à dire et d'analyses à faire sur ce fabuleux long métrage, je pourrais facilement en écrire une cinquantaine de pages. Mais aujourd'hui, concentrons-nous sur son histoire, sa provenance et l'importance de ce trésor animé.

Reculons jusqu'en 1941, l'Europe est sous l'emprise des Nazis. À cette époque, toute créativité artistique est écrasée d'une main de fer par d'exécrables oppresseurs. C'est dans ce feu qui gronde que se rencontrent Paul Grimault et Jacques Prévert. Ils devinrent rapidement amis, épris d'une magie créatrice et d'une vision poétique similaire durant l'ignoble quotidien en temps de guerre. Prévert, qui collabore déjà avec l'artiste Carné, sent qu'à travers les dessins de Grimault, sa poésie peut éclore en une nouvelle étincelle qui ne cessera jamais de briller. Leur collaboration et amitié aura duré jusqu'au décès de Prévert en 1977.

Les deux artistes vont se retrouver au sein de l'équipe des Studios Gémeaux. Ils y produiront quelques publicités, qui aguicheront de plus en plus les annonceurs. Le succès de nos deux artistes et des Studios Gémeaux est en pleine croissance au milieu des années 50. À ce moment dans son histoire, les studios comptent plus d'une centaine de dessinateurs, graphistes, coloristes, traceurs... Le rêve de rivaliser avec les studios tels que Disney était bien réel et on mettait tout en œuvre pour y parvenir. Il fallait une quantité énorme de motivation et de talent pour concurrencer les 1500 dessinateurs et les infrastructures de Disney. De leur côté, en marge des projets plus lucratifs de la publicité, Prévert et Grimault ne cessent d'animer leur poésie et ils réaliseront leur premier court métrage ensemble en 1947, "Le petit soldat", tout en préparant un long métrage basé sur un conte Danois, "La bergère et le ramoneur", de Hans Christian Andersen.

Le perfectionnisme de Grimault est sans limite, chaque image devait être parfaite. Il n'avait peut-être pas les moyens de Disney, mais il monta son équipe avec expertise et réussit à motiver ses troupes pour que chacun d'entre eux se donne corps et âme pour la réussite du projet en atteignant la vision artistique de Grimault. Il garde le contrôle de chaque partie du métrage dans sa création, peu importe le temps que ça lui demande, pour obtenir un résultat à la hauteur de ses rêves. Mais un tel investissement ne plait pas à un très grand nombre de producteurs qui, pour la majeure partie, voient le temps s'écouler entre leur doigts, comme de simples billets de banque...

C'était malheureusement le cas d'André Sarrut, co-fondateur des Studios Gémeaux, aux côtés de Grimault. Mais pour balancer mes propos, il faut bien l'admettre, toute production doit être rentable, malgré ses besoins artistiques, et c'est la lourde tâche des producteurs. Après 3 années de travail acharné sur le film, Sarrut en a assez du perfectionnisme de Grimault et ils entrent en conflit. Grimault n'a finalement d'autre choix que d'abandonner le projet à son associé. À ce moment, le film est déjà à 50% dessiné, et à partir de ces brouillons, le reste du film est bâclé et terminé à la va-vite. À sa sortie en salle en 1952, il n'obtient aucun succès et disparaît des salles presque aussi rapidement que de la mémoire des spectateurs.

Après son retrait du projet, Grimault fonde son propre studio d'animation, "Les films Grimault". Rapidement, les activités de son studio devient rentables et quelques années après la sortie du film "La bergère et le ramoneur", il rachète les droits.

En 1976, il retravaille le scénario avec son ami poète Jacques Prévert et monte une équipe de collaborateurs et de jeunes dessinateurs de talent. Cette fois, ils vont s'éloigner un peu du conte original de Hans Christian Andersen et se concentrer sur le combat entre un oiseau attachant et un roi dictateur. L'histoire d'Andersen y est toujours, mais transformée, conservant les personnages de la bergère et du petit ramoneur, mais en s'en servant uniquement comme prétexte pour la lutte entre le roi et l'oiseau (ou, si vous préférez, l’autorité et la liberté!). Nos deux artistes, maintenant libres de permettre à leur imagination de s'épanouir enfin, laisseront libre cours à leur créativité pour dépeindre dans leur histoire leur vision de la société. Le tout dans un univers imaginaire, certes, mais qui ressemble étrangement au nôtre.

Les messages et les critiques intelligentes sont légion dans le long métrage. Le roi représente la dictature de nos politiques tandis que l'oiseau vient y mettre le trouble avec sa légèreté et sa désinvolture, dans une ambiance grise et triste rappelant le film 1984 (basé sur le roman du même nom). Le design du métrage est en quelque sorte l'expression moderniste de notre société. Une dérive de la standardisation de masse. Très bien démontrée d'ailleurs par la séparation de la population en deux classes distinctes: les opprimés, abandonnés au sous-sol; et ceux ayant perdu toute personnalité, tous identiques et serviles à la royauté. Le royaume est aussi un bon exemple du modernisme parfois ridicule de notre société, dépeint par ses mille et une machines grotesques, tel que le trône-auto tamponneuse. Le roi et l'oiseau est une vision, toute en poésie, du matérialisme citadin. Le film ne juge pas le progrès, mais il questionne plutôt son utilité, sa stérilité, sa raison et son sens réel. Avons-nous vraiment besoin de trône-auto tamponneuse? Malgré toute ces machines meublant son quotidien, le roi s'ennuie toujours! Les nombreuses métaphores de critiques sont évidentes mais ô combien maîtrisées.

Mes propos effleurent à peine le sujet méritant une plus grande analyse. Il faut le reconnaître, Grimault fait partie des plus grands animateurs pour sa détermination et son talent, montant le dessin animé au niveau de "7e art". Un film qui mérite découverte si ce n'est déjà fait. Au sommet des bijoux que nous aura offerts Télé-Québec trône "Le roi et l'oiseau". C'est pour ce type de long métrage que je considère que l'on doit tous une fière chandelle à la chaîne québecoise. Pour clore ce texte, je citerai la chanteuse de cet indicatif des fêtes: Radio-Québec, c'est autre chose et c'est tant mieux!
(Indicatif Radio-Québec: Meilleurs voeux)

Il fut diffusé pour la première fois à Ciné-Cadeau le mercredi 26 décembre 1984 et a eu droit à seulement 2 rediffusions, le 22 décembre 1986, puis le 1er janvier 1989. Il eut plusieurs éditions VHS et est aujourd'hui réédité en DVD en version remastérisée.


FICHE TECHNIQUE
Titre alternatif: The king and the mockingbird
Année: 1980
Première diffusion à Ciné-Cadeau: mercredi 26 décembre 1984
Rediffusion à Ciné-Cadeau: 22 décembre 1986, 1er janvier 1989
Durée: 83 min.
Pays: France
Réalisateur: Paul Grimault
Auteur du roman:  Hans Christian Andersen
Scénario: Jacques Prévert, Paul Grimault
Musique:  Wojciech Kilar
Produit par : Les Films Paul Grimault, Les Films Gibé, A2
Synopsis: Le Roi Charles V et Trois font Huit et Huit font Seize règne en tyran sur le royaume de Takicardie. Seul un Oiseau, enjoué et bavard, qui a construit son nid en haut du gigantesque palais, tout près des appartements secrets de Sa Majesté, ose le narguer. Le Roi est amoureux d’une charmante et modeste Bergère qu’il veut épouser sous la contrainte. Mais celle-ci aime un petit Ramoneur. Tous deux s’enfuient pour échapper au Roi et, réfugiés au sommet de la plus haute tour du palais, sauvent un petit oiseau imprudent pris à l’un des pièges du Tyran. Le Père Oiseau reconnaissant promet en retour de les aider. La police retrouve la trace des fugitifs. Une folle poursuite s’engage. Des machines volantes conduites par des policiers moustachus, de mystérieuses créatures couleur de muraille qui espionnent la ville, des tritons motorisés et le Roi sur son trône électrique flottant, ou sur son gigantesque Automate, les pourchassent…

AVERTISSEMENT

Pour des raisons de droits d'auteur, je suis dans l'impossibilité de vous partager gratuitement le film. Je vous invite fortement à vous le procurer:
Sur Amazon
Sur iTunes
ou en magasin!


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Mordillo

 

Mordillo est une série animée de très courtes capsules créées par Guillermo Mordillo entre 1976 et 1981. le nombre d'épisodes s'élève à environ 400, totalisant plus ou moins 300 minutes de dessins animés. La série a été vendues dans plus de 30 pays et même présentée au festival de Cannes. Comme il n'y a aucun dialogue, c'est très facile à exporter! Au Québec, c'est à Radio-Québec que l'on pouvait voir ces capsules, et à l'année, pas seulement dans la programmation de Ciné-Cadeau. Il est difficile de trouver la date de la première diffusion de Mordillo sur la chaîne québécoise, mais jusqu'à présent, nous avons trouvé des épisodes sur des cassettes VHS datant de 1985. Il est fort probable que la diffusion ait débuté bien avant cette année là. Une chose est sûre, on les a vues, on les a adorées, on en a fait des puzzles et on se souvient tous d'un de ces cadres sur le murs de notre médecin de famille ou notre dentiste. On se souvient tous de cette époque où Mordillo était partout. Je vous offre aujourd'hui deux séries de capsules qui ont été diffusées dans le cadre de Ciné-Cadeau, en plus des cinq premières capsules de sa série. Bon visionnement, les mordus!
Je vous invite à visiter le site web officiel, il vaut le déplacement:
www.mordillo.com

1 commentaire:

  1. J'ai plus recemment vu le film à Radio=Canada un dimanche après-midi. Donc ce sont eux qui ont racheté les droits après "Radio/Télé-Québec". Est-ce qu'ils ont toujours les droits de diffusion, ça je l'ignore

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